Charente-Maritime : quand la séparation fragilise le droit à être père



L’association Re-pères 17 accompagne des papas qui veulent rétablir un lien avec leurs enfants après une séparation conflictuelle. © Crédit photo : Illustration Shutterstock

Par Séverine Joubert – s.joubert@sudouest.fr

Née à Saintes il y a deux ans, l’association Re-pères 17 accompagne les pères éloignés de leurs enfants à cause d’un conflit avec la mère. Christophe, Samuel et Nicolas racontent comment du jour au lendemain leur place de père s’est délitée jusqu’au doute, parfois la résignation.

Ils sont trois pères à avoir tenu à partager leur expérience. Ils auraient pu être plus nombreux si leur emploi du temps leur avait permis. Ils ont en commun d’être en conflit avec leurs anciennes compagnes et d’être éloignés de leurs enfants.

Ils sont accompagnés par l’association Re-pères 17, qui propose un soutien à la parentalité pour les pères séparés et milite pour une égalité hommes-femmes. Christophe, Samuel et Nicolas ont intégré le premier groupe de parole, en mars 2022. Ils témoignent pour « casser les préjugés, dire voilà comment ça se passe vraiment et faire évoluer la société ». Paroles recueillies.

Nicolas, 40 ans, est papa d’une petite fille d’aujourd’hui 5 ans. À l’été 2020, la mère de la petite décide de partir. L’ambiance dans le couple était mauvaise, Nicolas ne lutte pas. Il pense alors que la séparation peut se faire relativement bien. L’enjeu est que leur petite fille vive la situation au mieux. Mais très vite, Nicolas est mis devant le fait accompli des décisions prises par son ex-compagne. La première d’entre elles est d’inscrire la petite dans une autre école que celle du domicile, où elle devait faire sa rentrée en maternelle. Son ex-compagne s’installe à 30 kilomètres de là, à Rochefort.

Éviter les désillusions

Une résidence alternée est mise en place pendant trois semaines. Mais devant le juge, la mère de famille demande la garde principale. « Le juge est allé dans le sens de la mère », livre Nicolas. Comme ses compagnons d’infortune, il dénonce une justice qui, quand elle n’est pas trop lente, part du principe que la garde va à la mère.

Les documents attestant que Nicolas a fait appel à une nounou et s’est organisé ne convainquent pas le magistrat. « Ça m’a démoli pendant un an. Ça a entraîné des difficultés dans mon travail. » Des sentiments de « colère, de dégoût, plein de choses » submergent alors le jeune papa, en proie au doute. Jusqu’à ne plus savoir s’il peut légitimement demander à l’école un dossier qui concerne sa fille, en souffrance psychologique.

C’est au sein du groupe de parole de l’association Re-pères 17 qu’il trouve la réponse auprès d’un autre père. Évidemment que oui. Nicolas a l’autorité parentale. Paralysé par les émotions, tétanisé par les retours de bâton de telle ou telle initiative, Nicolas ne sait plus. Les textos, les mails… « Je fais toujours attention à comment je réponds, aux tournures de phrase. »

Deux ans après la séparation, et « grâce » à une expertise psychologique, Nicolas obtient d’avoir sa fille « trois week-ends par mois. Je ne sais pas si c’était parce qu’il était un homme ou parce que c’était sa personnalité mais le juge a écouté la petite qui voulait voir plus son papa. Je ne vais pas trop me plaindre. J’ai appris à gérer la situation », confie Nicolas. En prenant connaissance d’autres cas « pires », il relativise. Le quadragénaire espère toujours obtenir la résidence alternée mais s’empêche de se projeter pour éviter les désillusions.

« En pilote automatique »

Chat échaudé craint l’eau froide. Christophe, 46 ans, séparé depuis plus d’un an, n’a plus de nouvelles de ses trois garçons de 5 ans, 11 ans et 14 ans depuis le début de l’année. Il joue la transparence : trois tentatives de suicide, la première à cause du boulot. Les deux autres, depuis la séparation. Son ancienne compagne l’empêche, par divers moyens, de voir les enfants. En juillet 2021, le juge accorde des rencontres avec ses fils mais uniquement en « point rencontre ». L’humiliation. « J’ai été traité comme un délinquant. Même les mecs en prison, ils peuvent voir leurs enfants. » Depuis, Christophe a fait appel à Re-pères 17 après avoir tapé sur Google « Papa en colère ».

« Là, j’ai été écouté. » Christophe garde la tête hors de l’eau grâce au sport et à la méditation. Il bouillonne mais il tient bon. Logiquement, il doit rencontrer ses fils dans quelques jours, plus d’un an après la décision du juge. À l’approche de la date, Christophe est fébrile. Il a peur que ce soit annulé. Il sait aussi que le temps qui passe joue contre lui, contre les liens avec ses enfants.

Autre combat que celui mené par Samuel, 41 ans, séparé depuis onze ans et père deux filles de 12 et 15 ans. « Le plus simple, ce serait de laisser tomber, de laisser les enfants tranquilles. Mais je ne me sens pas capable de ça. Quand elles seront dans la merde, je serai là et je continue à être là. Je n’ai plus trop goût à la vie, je bosse, je suis en pilote automatique. Il manque un truc à la vie. »

Contrairement à Nicolas et Christophe, Samuel a connu des années plus sereines. Huit années de résidence alternée. Avec le recul, il analyse : « Je disais oui à tout. » Le conflit entre les deux parents naît quand Samuel s’installe avec sa nouvelle compagne. Les reproches sur leur mode de vie fusent. De graves accusations, bien que sans suites, abîment durablement les relations. Et alors que Samuel voyait régulièrement ses filles, il doit actuellement se contenter d’un week-end sur deux avec sa deuxième. L’aînée ? Le lien est maintenu grâce aux messages, quand bien même ils s’avèrent très âpres. Depuis quelques mois, son ex-compagne s’est installée en Charente. Lui aussi est mis devant le fait accompli. « La deuxième a changé quatre fois d’école en cinq ans », dit-il, impuissant.

Samuel interroge tout un chacun sur la place des pères dans tout ça. Pourquoi sont-ils mis si « naturellement » de côté tant par leurs anciennes compagnes, la justice, la société et même les établissements scolaires qui ne s’adressent pas systématiquement aux deux parents. « On n’est plus au siècle dernier », appelle à se réveiller Nicolas. « On a fait les enfants à deux », rappelle Samuel.


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